Claude Dilain : « Inventer un modèle d’intégration »

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Claude DilainDepuis plus de trente ans, les gouvernements sont confrontés à la difficulté des processus de rénovation urbaine. Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois, et vice-président du Conseil national des villes (CNV), revient sur les limites de ces politiques, après les émeutes des banlieues en octobre 2005.

Les événements survenus à l’automne 2005 ne sont-ils pas la manifestation d’un délitement républicain ?

Oui, dans certains quartiers, ce modèle républicain s’est peu à peu délité. De nombreuses personnes éprouvent ce sentiment dans leur vie quotidienne, parce qu’elles doivent faire face à un véritable déficit en matière de transports, de logements et de services publics de proximité. Elles déplorent la disparition des agences ANPE et des caisses d’allocations familiales dans les zones déshéritées.

L’intégration à la française fonctionne-t-elle toujours ?

Non. Je suis même convaincu qu’elle n’a jamais réellement fonctionné. À cet égard, la situation des Italiens et des Polonais venus vivre en France voilà plus d’un siècle, n’était guère plus enviable que celle des Maghrébins aujourd’hui. Nos voisins transalpins, pour ne citer qu’eux, ont subi des « ratonnades » qui ne sont hélas pas réservées aux seules populations africaines installées depuis longtemps déjà sur notre territoire. La France n’intègre pas, elle assimile. Parfois même au forceps. Souvenons-nous de ces écriteaux qu’on voyait fleurir dans les cafés, il y a cent cinquante ans, et qui interdisaient de « cracher et de parler breton ». Ce système n’est plus viable. C’est pourquoi il nous faut inventer un modèle français d’intégration, même si notre volonté d’aller de l’avant est freinée par notre propre histoire. Notre modèle colonial justifie malheureusement encore trop souvent des comportements biaisés. Par ailleurs, notre pays éprouve les pires difficultés face à l’islam et de longs débats seront nécessaires pour contourner les innombrables obstacles qui se dressent devant nous.

Existe-t-il une réponse politique à la crise des banlieues ?

Nous devons l’affirmer en mobilisant des moyens à la hauteur de nos ambitions. Il est totalement hypocrite d’imaginer qu’avec une enveloppe pour la politique de la ville avoisinant 0,35 % du budget de l’État, nous serons en mesure de résoudre tous les maux de la société. Un exemple ? À Clichy-sous-Bois, le taux de redoublement en troisième est deux fois plus élevé que partout ailleurs en Seine- Saint-Denis. Dans ces conditions, comment est-il possible de réduire les inégalités de l’accès à l’instruction, qui sévissent au sein de la société française ? Seule une mobilisation de tous les acteurs de l’éducation nous permettra de résoudre ces difficultés. Des moyens doivent également être déployés pour lutter contre l’exclusion, au plus près du terrain. Chaque territoire fixe des priorités différentes qui appellent l’usage d’outils spécifiques. D’où la difficulté de faire coïncider volonté politique nationale et particularismes territoriaux. Élus, habitants et acteurs associatifs doivent pouvoir décider de ce qui leur paraît à la fois utile et urgent.

Propos recueillis par Bruno Tranchant - L'Hebdo des Socialistes

Claude Dilain. Chroniques d’une proche banlieue, Paris, Stock, 2006, 228 p., 16,50 euros

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