A Tahiti, le "compte japonais" invoqué dans une sombre histoire

Publié le par webmaster

Jean-Pascal Couraud, journaliste retrouvé mort à Tahiti (DR).

Les proches de Jean-Pascal Couraud, journaliste d'investigation "suicidé" dans des circonstances mystérieuses en 1997, à Tahiti, affirment aujourd'hui que sa mort est "très probablement" liée à l'affaire du "compte japonais de Chirac".

Ils viennent d'écrire à la ministre de la Justice Rachida Dati pour le lui dire.

Dans cette lettre, ils mettent l'accent, en toutes lettres, sur un lien possible entre la disparition du journaliste et l'enquête qu'il menait alors, concernant des "transferts financiers de Polynésie française vers le Japon, au profit de Jacques Chirac":

"L'avocat qui travaillait avec Jean-Pascal Couraud au moment de sa disparition nous a révélé qu'en 1997, ils disposaient tous deux d'informations très sensibles concernant des transferts financiers de Polynésie française vers le Japon, au profit de Jacques Chirac."

"Cet avocat affirme avoir lui même fait l'objet de pressions, à tel point qu'il avait jugé prudent de cesser tout travail sur cette affaire. Mais Jean-Pascal Couraud était connu pour être incontrôlable; il avait l'intention d'utiliser ces informations et cela se savait."

Téléchargez ici la lettre en PDF.

 

Sur place, certains gendarmes soupçonnent la famille de chercher à attirer l'attention des pouvoirs publics sur un dossier qui risque de se terminer par un non-lieu, aucune preuve formelle d'un meurtre, pourtant probable, n'ayant été trouvée.

Les barbouzes de Gaston Flosse seraient impliqués

A l'âge de 37 ans, Jean-Pascal Couraud a disparu dans la nuit du 15 au 16 décembre 1997. Ancien rédacteur en chef du quotidien Les Nouvelles de Tahiti, c'était un proche d' Alexandre Léontieff, opposant à Gaston Flosse, alors maître de l'île, ami de Chirac et toujours sénateur. Après la mort de Couraud, qui signait ses articles "JPK", la thèse du suicide semble s'imposer. Il n'allait pas bien du tout, et même sa famille ne s'étonne pas.

Mais en octobre 2004, un certain Vetea Guilloux, ancien membre du Groupe d’intervention de Polynésie (GIP), service barbouzard de la Présidence polynésienne, fait une déclaration fracassante (voir la vidéo): un soir de beuverie, affirme-t-il par écrit aux gendarmes, deux membres du GIP se sont vantés du meurtre de Couraud. Il aurait été torturé, puis noyé au large de Papeete.

Vetea Guilloux, interrogé, revient sur ses déclarations. Il est traduit quelques jours plus tard devant le tribunal correctionnel, en comparution immédiate, où il écope de douze mois de prison dont trois mois fermes pour dénonciation calomnieuse.

La famille du journaliste crée alors un comité de soutien pour la réouverture de l’enquête et la recherche de la vérité sur la disparition de Jean-Pascal Couraud. Elle porte plainte contre X pour "assassinat".

Un avocat se confesse au frère du disparu

Tout récemment, le comité affirme avoir recueilli de nouveaux éléments: "Des déclarations spontanées de diverses personnes proches du milieu des GIP venant nous confirmer, parfois de manière très précise, la réalité de son assassinat par une équipe du GIP", écrivent ses animateurs dans leur lettre à Rachida Dati. La peur, cependant, empêche ces témoins "d'aller jusqu'au bout de leurs déclarations".

Philippe Couraud, frère de JPK, raconte à Rue89 qu'il a, en février, recueilli les confessions de l'avocat ami de son frère en février dernier. C'était un avocat engagé contre Flosse, qui continue d'exercer à Tahiti.

"Pendant dix ans, cet avocat avait pourtant conforté la thèse du suicide de Jean-Pascal. Et là, spontanément, dans mon bureau, il a commencé à me parler de cette affaire". Il lui a raconté comment, avec Jean-Pascal Couraud, ils avaient pris connaissance de virements comptables d'une société de perliculture ayant pignon sur rue vers un compte japonais dont le détenteur était, croyaient-ils, Jacques Chirac.

L'avocat a été suivi, cambriolé. Quelqu'un à Paris l'aurait mis en garde: "Arrête tout, où tu es mort." Il aurait alors décidé de prendre ses distances. Mais JPK, lui, avait continué.

Jeté dans l'eau avec des parpaings attachés aux pieds

Philippe Couraud soupçonne aujourd'hui un interrogatoire qui aurait mal tourné: "Ils cherchaient visiblement un document. Ils auront fait du zèle pour se faire bien voir de leurs supérieurs." Le GIP de Flosse avait des liens étroits avec la DGSE, qui suivait de près, en 1997, le dossier du compte japonais, comme en témoigne les documents récemment saisis dans le cadre de l’affaire Clearstream.

Selon les témoignages recueillis par les frères de JPK, notamment celui de HT, le journaliste a été jeté dans l'eau entre Tahiti et Moorea, avec des parpaings attachés aux pieds. L'un des témoins aurait raconté que "JPK ayant été remonté inanimé, ordre aurait été jeté de lâcher le corps".

Les gendarmes ont terminé leur enquête, et la juge d'instruction est sur le point de rendre sa décision. Elle a auditionné récemment l'avocat ami de JPK, mais la famille n'a pas eu d'écho de l'entretien.
Pascal Riché (Rue89)    13H30    10/07/2007

Publié dans Présidentielles 2007

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article