Vallini: "Refonder avant 2012"

Publié le par webmaster

>> André Vallini s'est fait connaître du grand public l'année dernière, en présidant la commission Outreau. Désormais porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée, le secrétaire national du PS à la justice et aux institutions est très critique à l'égard de la loi sur la récidive examinée en ce moment. Et entend permettre à son parti de se poser en force de proposition "constructive".

Mercredi a été adoptée la loi sur la récidive à l'Assemblée nationale. Que pensez-vous de ce texte ?
C'est un texte inutile qui s'ajoute à sept textes, sept lois pénales votées depuis 2002. Les textes s'accumulent mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Ce ne sont pas ceux qu'il faudrait voter, car ils sont, si j'ose dire, à côté de la plaque. C'est un texte qui va aboutir à une augmentation de la population carcérale. Quand on connaît l'état des prisons, les conditions inhumaines de la vie en prison, ce n'est pas possible. La prison est le premier pourvoyeur de récidivistes, donc c'est un texte qui va augmenter la récidive.

Que préconisez-vous alors ?
Pour lutter contre la récidive, il faut d'abord agir en amont. Cela signifie agir aussi sur les délits mineurs, et des mineurs justement. Dès le premier délit le moins grave, dès la première bêtise il faut un acte. On attend la deuxième, troisième, quatrième fois, on attend que ça s'aggrave pour punir. Agir en amont, cela signifie aussi traiter la prévention. Il faut s'occuper de l'urbanisme dégradé, des logements inadaptés, du chômage, de la perte d'autorité parentale... tout ce qui perturbe la cellule familiale.

Mais il y a aussi une délinquance, qui existe et qu'il faut traiter...
En aval, une fois le délit commis car quoiqu'on fasse il y aura toujours des délits, au lieu d'augmenter les peines, il faut déjà les exécuter. Actuellement, 30% des peines ne sont pas exécutées, 70 à 80% des peines ne sont pas encore exécutées dans l'année qui suit le jugement, parce qu'il manque des moyens. Ils pensent toujours avoir une chance de ne pas se faire attraper. La justice est de plus en plus sévère, les peines plus nombreuses, plus lourdes, mais derrière ça ne suit pas. Quand il y a une arrestation pour un délit, deux jours après on vous relâche et on vous dit que vous serez convoqué. Ça crée un sentiment d'impunité. Le temps est très long, et il l'est encore plus entre le jugement et l'exécution de la peine.

Vous plaidez donc plutôt pour davantage de moyens que pour une réforme ?
Oui, dans ce domaine, ce sont des moyens qu'il faut, beaucoup de moyens.

Après l'affaire Outreau, vous attendiez une réforme de la justice, et c'est finalement un texte minimal qui a été présenté par Pascal Clément. Qu'attendez-vous du gouvernement sur ce plan ?
La réforme Clément n'est qu'une amorce. J'attends de ce gouvernement, de cette législature, qu'ils s'inspirent du rapport de la commission d'enquête parlementaire sur Outreau, pour faire une justice plus simple, plus protectrice. Particulièrement avec le renforcement de la présomption d'innocence, du droit de la défense, la collégialité de l'instruction... et toutes les propositions qui sont dans ce rapport.

"Sarkozy a fait une bêtise"

Comment considérez-vous le comité de réflexion sur la réforme des institutions voulu par le président de la République ?
Ici, c'est en secrétaire national du PS aux institutions que je m'exprime, et non plus en porte-parole : ce qu'on regrette, c'est que les partis n'aient pas été associés (*). Et d'autant plus que Nicolas Sarkozy consulte maintenant les partis, il se rend compte qu'il a fait une bêtise. Pour autant, nous allons travailler, et rendre un rapport en septembre. François Hollande m'a demandé de coordonner un groupe de travail, où nous serons six (**), pour que ce rapport soit constructif.

Cette session extraordinaire ressemble à un rush législatif, avec beaucoup de textes. Comment le groupe PS peut-il être constructif dans ce contexte ?
Nous sommes constructifs en votant à l'unanimité, comme nous l'avons fait en commission des lois, la mission d'information parlementaire sur l'exécution des décisions de justice. Et en déposant des amendements.

Des amendements qui sont parfois davantage des moyens d'obstruer le vote que de contribuer au débat...
C'est vrai. Mais je suis hostile à l'obstruction parlementaire. On l'a fait sur les retraites ou le CPE, et ça a marché puisque le mouvement de protestation sociale s'est mis en marche. Donc je me suis trompé, je pensais que c'était voué à l'échec et que cela donnait une mauvaise image du Parlement. J'y reste opposé.

Après l'été viendra un temps plus classique, plus traditionnel de débat. Comment va travailler ce que l'on appelle le "cabinet fantôme" ?
D'abord, je n'aime ni le mot cabinet, ni le mot fantôme. Il s'agit d'une force parlementaire d'opposition et de proposition. Cette période va nous permettre de prendre un peu de recul. Nous allons travailler au jour le jour sur les textes en discussion, mais aussi prendre du champ pour élaborer l'alternative que nous allons proposer pour 2012. Ce travail n'est pas limité aux députés, ce sera le travail de tout le parti.

Cette force va donc participer de la refondation du Parti socialiste ?
Oui, cela va aider à refonder le PS, à rénover ce qu'il doit penser. Cela va permettre de lui donner un corpus idéologique.

En vue de la refondation, Ségolène Royal a annoncé qu'elle mettrait à disposition le bilan de campagne qu'elle établit avec ses proches. Cela vous semble intéressant ?
C'est une très bonne nouvelle. Ségolène Royal a décidé de verser au débat, au pot commun socialiste ce qu'elle a vécu, ce qu'elle a ressenti pendant la campagne. Je me réjouis qu'elle décide de jouer ce jeu.

Ségolène Royal est-elle le leader naturel du PS pour l'avenir ?
Elle est d'ores et déjà un leader. On ne sort pas d'une campagne présidentielle sans rester un leader. Cela pose quelqu'un, si l'on peut dire, dans les années à venir. Elle a raison de penser à 2012, comme d'autres y pensent. Mais c'est vrai aussi que ce n'est pas la priorité. Avant, il y a la refondation.

Lang: "Une tempête dans un verre d'eau"

Le calendrier proposé pour la refondation vous convient-il ?
Ce calendrier est très bien. Pendant un an, on va faire une mise à plat, et derrière on aura un Congrès. On aura ensuite deux ans pour préparer le projet, et en 2010 on désignera notre candidat. Il aura alors deux ans pour mûrir son projet présidentiel, en accord avec celui du parti.

En procédant ainsi, le Parti socialiste risque de retomber dans la logique de synthèse, qui satisfait tout le monde mais empêche le parti et son candidat d'avoir un positionnement clair...
C'est un risque. On a eu ce tort. Je plaide coupable, car je suis un proche de François Hollande. Il a voulu faire l'unité, être un rassembleur, et en cela il a excellé. Mais il est vrai que nous n'avons pas tranché, nous avons occulté des débats. Sans doute va-t-il falloir changer cela.

Ne plus occulter le débat, trancher, c'est par exemple prendre position fermement lorsque Jack Lang s'engage dans un comité de réflexion ?
On n'a pas dit le moindre de mal de Jack, à part peut-être quelques paroles maladroites. J'ai dit qu'il avait les compétences pour accepter, et on ne lui reproche pas directement cet engagement. Le reproche s'adresse à Nicolas Sarkozy, qui n'a pas associé les partis. Jack Lang a eu le sentiment qu'on le mettait en accusation. Or, on a simplement dit que celui qui s'engagerait dans une telle commission le ferait à titre strictement personnel.

Il a tout de même été exclu du groupe PS...
Il n'a pas été exclu... il a pris du recul des instances dirigeantes. C'est une tempête dans un verre d'eau et cela va se calmer. L'important, c'est qu'il reste, et qu'il va rester, j'en suis sûr, un socialiste. Qu'il continue à nous apporter sa compétence.

Et vous-même, que voulez-vous apporter ? Avant la commission Outreau, le grand public vous connaissait peu. Désormais, vous êtes exposé, porte-parole du groupe PS à l'Assemblée. André Vallini est-il devenu plus ambitieux ?
Je suis déjà secrétaire national, et je ne veux pas être premier secrétaire. Je suis porte-parole, et je ne veux pas être président du groupe. J'ai aussi un conseil général, j'ai beaucoup de travail. Après, si je crois ce qu'on dit, ce que je lis, j'ai raté le ministère de la Justice. Ségolène Royal a cité mon nom à plusieurs reprises sur les plateaux de télévision. Alors c'est vrai, je m'étais pris au jeu. Mais je ne suis pas amer. Je serais amer si elle avait été élue et qu'elle avait nommé quelqu'un d'autre. Je préfère être à ma place qu'à celle de Patrick Devedjian ! (dont le nom était fréquemment cité pour le ministère de la Justice, finalement revenu à Rachida Dati, ndlr)


(*) Plusieurs partis, dont le PS, avaient souhaité nommer des membres de la commission dans leurs rangs. Nicolas Sarkozy a préféré choisir lui-même les membres du comité, dont des experts, qu'il a placé "au-dessus des partis".
(**) François Hollande et André Vallini pour les instances du parti, Jean-Marc Ayrault et Bernard Roman pour les députés et Jean-Pierre Bel et Bernard Frimat pour les sénateurs.


Propos recueillis par Grégory BLACHIER - leJDD.fr
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