Après 2002 et 2005, Royal cible l'électorat populaire

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PARIS (Reuters) -

De Vitrolles, ville-symbole de la gestion du Front National, Ségolène Royal s'est lancée à la "reconquête républicaine" de l'électorat populaire qui a fait cruellement défaut au Parti socialiste en 2002.

Depuis plusieurs mois, la présidentiable ponctue ses discours devant les militants socialistes d'appels à la responsabilité électorale quatre ans après la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le deuxième tour de l'élection présidentielle.

Pour la présidente de Poitou-Charentes, la tentation de l'extrême- droite est toujours "très forte" en France quatre ans après le 21 avril.

"La crise démocratique est profonde (...) car trop de gens ont le sentiment d'être tirés vers le bas et se sentent petit à petit tirés malgré eux vers le rejet de l'autre: ça va être ça l'enjeu de la campagne" présidentielle, a-t-elle expliqué mi-septembre lors du "grand oral" des candidats à la candidature présidentielle socialiste.

Vendredi, son premier grand discours de campagne prononcé à Vitrolles, ville reconquise par le PS en 2002 après quatre années de gestion par les époux Mégret, a été rythmé par le mot "nation", qu'elle ne veut ni "frileuse" ni "apeurée" mais porteuse d'un "projet collectif et solidaire" et d'un "devoir d'invention".

"Quand on demande aux Français ce qui pour eux symbolise la France ce qui vient en premier ce ne sont ni les frontières, ni la langue, c'est le drapeau tricolore et la sécurité sociale, c'est-à-dire l'emblème de la République et les outils de la solidarité. Voilà ce qui cimente en premier lieu l'appartenance commune!", a-t-elle lancé aux 2.000 militants venus l'écouter se lancer dans la course à l'investiture.

NATION ÉGALITAIRE ET SOCIALE

Pour la politologue Mariette Sineau, le choix du lieu et des mots sont "très très habiles" de la part de la favorite des sondages, qui sur cette stratégie - séduire les électeurs qui se sont portés sur le vote Front national - rejoint Nicolas Sarkozy, probable candidat de l'UMP à la présidentielle.

La force de Ségolène Royal est à ses yeux "de ne pas avoir peur de prononcer le mot nation" comme elle n'a pas hésité à parler d'encadrement militaire pour les délinquants ou à remettre en cause les 35 heures.

"On pourrait résumer sa formule en disant l'extrême-droite n'a pas le monopole de la Nation", sur le modèle de l'expression de Valéry Giscard d'Estaing, qui déniait à la gauche le "monopole du coeur", ajoute-t-elle, tout en dénichant quelques expressions "populistes" dans le discours de l'élue socialiste telles que "les Français ont mal à la France".

"Je crois que la Nation dans le monde d'aujourd'hui est protectrice des individus et doit apporter à chacun le renfort dont il a besoin pour maîtriser sa vie", a souligné Ségolène Royal à Vitrolles.

Par ce discours égalitaire et social, la présidentiable se démarque du discours du président de l'UMP et parle autant aux anciens partisans de Jean-Pierre Chevènement qu'aux électeurs "gaucho- lepénistes", selon les mots de Pascal Perrineau, directeur du CEVIPOF.

Ségolène Royal a également ponctué son allocution de références aux grands noms du socialisme français - Mitterrand ou Jaurès - et n'a pas hésité à emprunter deux formules fortes aux présidents démocrates américains, Franklin Roosevelt et John Kennedy ("Nouvelle donne", version française du New Deal et "Demandons-nous ce que nous pouvons faire pour notre pays").

DOCTRINE RÉNOVÉE

Elle est non seulement en train de tirer les leçons du 21 avril 2002 mais également du "non" au référendum "en disant qu'on a délaissé l'idée de la solidarité nationale", affirme de son côté l'analyste politique Dominique Reynié, auteur du "Vertige social-nationaliste. La gauche du 'non'".

Le discours de Vitrolles "est la première interprétation de la période 2002-2005 que je trouve dans la bouche d'un responsable politique en particulier socialiste et c'est pour ça que ça peut marcher", explique-t-il.

En récupérant "tout un héritage oublié de la gauche française sur l'autorité", elle veut "fermer la parenthèse de 68, en finir avec l'idée que le concept-clé c'est la liberté. Pour elle c'est plutôt l'égalité".

Sur le plan doctrinaire, estime Dominique Reynié, Ségolène Royal est en train de "ramasser la mise".

Depuis la disparition de François Mitterrand, en 1996, le Parti socialiste n'a pas été capable de générer "un leader reconnu, respecté et porteur d'une doctrine rénovant le Parti socialiste".

"Elle arrive par l'extérieur, par l'opinion publique parce que le Parti socialiste ne l'aurait jamais laissée émerger et elle vient avec des éléments de doctrine qui font pousser des hauts cris par ceux qui n'ont pas été capables ou d'en définir une ou de tenir la même qu'elle".

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