Le premier débat entre les présidentiables du PS n'a pas affaibli Ségolène Royal

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 LExpansion.com

Ségolène Royal, qui craignait l'exercice, a su rivaliser avec DSK et Fabius. L'analyse, à chaud, de Lexpansion.com sur le premier débat télévisé entre les trois candidats à l'investiture du PS.

Elèves sérieux, derrière leurs pupitres, les trois candidats à l'investiture du parti socialiste pour l'élection présidentielle ont parfaitement suivi les règles du débat. Courtois, ils ne se sont jamais directement adressés la parole et ont répondu avec application aux questions que les deux journalistes de la Chaîne Parlementaire et de Public Sénat avaient puisées parmi celles posées par les militants. L'exercice était difficile, puisqu'il s'agissait, pour chacun d'eux, de se différencier alors qu'ils ont tous signé le projet du parti socialiste, ce petit livre rouge brandi par Laurent Fabius en début d'émission, lors d'un des très rares effets de manche d'un débat qui aura duré deux heures. Renationaliser EDF, soutenir la recherche et l'innovation, mettre l'accent sur le développement durable et les énergies renouvelables, lutter contre les délocalisations en taxant les entreprises qui y ont recours : sur tous ces points, les trois candidats sont d'accord. Mais l'exercice, pourtant, était loin d'être inutile. Les positionnements des uns et des autres se sont affinés et, au final, Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal et Laurent Fabius ont su faire entendre leur petite musique.

Ce dernier, sans doute heureux d'avoir été placé à gauche par le tirage au sort, s'est posé en champion du volontarisme politique. L'Etat reste selon Laurent Fabius le moteur principal pour relancer la croissance, améliorer le pouvoir d'achat, ou réduire les inégalités. L'ancien premier ministre de François Mitterrand a assuré que c'était « au gouvernement de prendre sa responsabilité » et a rappelé l'importance de frapper, d'emblée, un grand coup en arrivant au pouvoir, en décidant d'une augmentation du SMIC de 100 euros, soit 8%. Il a assuré que les 35 heures devaient être étendues aux petites entreprises. Il a souligné la nécessité d'un niveau de retraite minimum, fixé aux alentours de 85% du SMIC. Affirmant aussi qu'une « société se lit par rapport au sort qu'elle fait aux personnes dépendantes », il a aussi affirmé qu'il fallait créer une cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à ce sujet et financée par une hausse de la CSG comprise entre 0,5 et 1%.

Autant de propositions précises auxquelles Dominique Strauss-Kahn n'a pas voulu se rallier. Se posant en héraut d'une société pacifiée par la social-démocratie, il s'est dit persuadé qu'il fallait marcher main dans la main avec les partenaires sociaux, pour sortir d'une « méthode inadaptée » qui consisterait à ne compter que sur l'Etat. L'ex ministre de l'économie de Lionel Jospin a rappelé son idée d'un « pacte de l'Elysée », une grande négociation à mener avec les syndicats et le patronat sur l'ensemble des questions sociales, du pouvoir d'achat à la sécurisation des parcours professionnels, en passant par les retraites et la santé au travail. Refusant de préjuger du résultat de cette discussion, qu'il entend commencer dès son éventuelle investiture par le PS et sans attendre l'élection présidentielle, il a préféré insister sur son objectif : arriver à un SMIC à 1500 euros à la fin de la législature, comme ses deux rivaux, mais surtout, revaloriser les carrières. Pour DSK en effet, « ce qui est dramatique, ce n'est pas d'être au SMIC, c'est de le rester toute sa vie ». C'est par cette méthode à l'issue incertaines puisque fondée sur le dialogue, qu'il espère creuser son sillon, quitte à prêter le flan à l'accusation d'être « flou» ou « vague », formulée par Laurent Fabius. DSK n'a pourtant pas manqué de propositions précises, comme la création de véritables villes nouvelles pour guérir la France de sa crise du logement.

Face à ces deux mastodontes qui ont parfois paru vouloir prendre de la hauteur par rapport à elle, l'accusant en creux de manquer de « vision politique », Ségolène Royal a joué sa carte maîtresse : la proximité avec les Français. Elle qui craignait cette confrontation n'y a finalement rien perdu, continuant à jouer sur son registre préféré. Elle a abondamment cité les politiques mises en place en Poitou-Charentes, la région qu'elle préside depuis 2004 et a défendu l'idée qu'une bonne politique devait se mener au niveau local. Adepte du micro crédit, elle a aussi assuré que, si elle était élue, elle régionaliserait l'aide aux filières économiques et aux pôles de compétitivité, tout en assurant une péréquation des moyens entre les régions favorisées et celles qui le sont moins. Elle a stigmatisé les inégalités d'accès aux soins et a assuré qu'il fallait forcer les étudiants en médecine à aller s'installer aussi dans les zones rurales. Et elle a appelé à la création de dispensaires capables d'offrir une médecine de proximité gratuite, prodiguée par des médecins salariés du public. Même si elle a parfois paru naïve, en assurant notamment qu'un investissement massif dans la formation permettrait de faire revenir 3 millions de personnes sur le marché du travail, la favorite des sondages a fait preuve de courage politique en réaffirmant sa critique des 35 heures, coupable d'avoir abouti à une régression des conditions de travail dans certains métiers - un sujet qui, contrairement à ce qu'a assuré DSK, n'est pas « derrière nous ». Cette faculté à parler directement aux Français, aux « petits retraités » par exemple, qu'elle a souvent cités, à se mettre à leur hauteur pour comprendre les problèmes de leur quotidien, pourrait bien lui permettre de poursuivre son cavalier seul dans les enquêtes d'opinion. Même si ce ne sont pas encore les Français qui voteront, mais les militants du PS, avec toutes les inconnues que comporte cette primaire inédite.

Thomas Bronnec

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