Bayrou-Royal, les programmes à la loupe

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Sept sujets de société passés en revue : entre convergences et pommes de discorde.

Quelles différences entre les projets de Ségolène Royal et de François Bayrou ? Libération passe en revue sept grands thèmes.


Education
La grande priorité de Royal
Ségolène Royal, chargée de l'enseignement scolaire sous Jospin, a mis l'éducation « au coeur » de son projet. François Bayrou, lui-même ancien ministre de l'Education, est beaucoup plus prudent. Tous deux ont promis d'abroger le décret sur le temps de service des enseignants signé par Gilles de Robien, contre lequel la communauté éducative est mobilisée. Alors que Bayrou ne veut pas y toucher, la candidate socialiste veut modifier la carte scolaire afin «de favoriser la mixité sociale au lieu de consolider les ghettos». Les gros collèges en difficulté verraient leurs effectifs réduits, et les parents auraient le choix entre plusieurs établissements. Critiquant les petits cours privés, tous deux promettent un soutien scolaire gratuit. Filmée à son insu dans une vidéo pirate où elle envisageait de demander aux professeurs d'être présents 35 heures dans les établissements, Royal leur rend désormais hommage. François Bayrou qualifie les syndicats enseignants de « chance » et de «gens qui tiennent la route». Tous deux enfin se sont engagés à augmenter le budget de la recherche.


Immigration
Des régularisations au cas par cas
Concernant l'immigration «choisie», concept cher à Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou sont plutôt contre. Mais pour des raisons opposées. Elle juge que c'est «profondément opportuniste et injuste à l'égard des pays d'origine», lui affirme : «Dans un pays qui compte quatre millions de chômeurs, pourquoi aller chercher de la main-d'oeuvre à l'extérieur ?» En mai 2006, lors du vote de la loi sur l'immigration choisie, le groupe UDF s'était déchiré, 13 députés votant pour, 13 s'opposant au texte. Concernant l'immigration «subie», tous deux souhaitent la limiter grâce au codéveloppement. La candidate PS propose d' «instituer un visa permettant des allers-retours multiples sur plusieurs années afin que les migrations s'adaptent aux besoins réels du marché du travail». Ségolène Royal propose de «régulariser les sans-papiers à partir de critères fondés sur la durée de la présence en France, la scolarisation des enfants et la possession ou la promesse d'un contrat de travail». François Bayrou l'a suivie en se déclarant à son tour favorable à «des régularisations au cas par cas».


Justice
Les deux programmes pour le doublement du budget
Ils veulent tous les deux doubler le budget de la justice, et, sur le papier, leurs programmes ne révèlent pas de fractures irréductibles comme avec celui de Nicolas Sarkozy, qui prône des peines planchers et un démantèlement de la justice des mineurs. Ségolène Royal déroule une dizaine de grands thèmes : rétablir la civilité ; être ferme face aux mineurs violents ; faire de la lutte contre les violences conjugales une priorité nationale... Lundi dernier, dans la ville de Nantes traumatisée par le meurtre d'une jeune femme, la candidate socialiste a rajouté une «grande cause nationale» : la lutte contre les délits et les crimes sexuels contre les femmes et les enfants. Les délinquants et criminels sexuels seront envoyés dans des prisons spécialisées, ne seront libérés que si un comité d'experts garantit leur non-violence et leur non-dangerosité, et seront dotés d'un bracelet électronique à la sortie, promet-elle. François Bayrou appelle à une «refondation» sur la base de deux grands principes : indépendance et transparence. Il veut ainsi faire du garde des Sceaux un ministre à part, membre du gouvernement mais présenté par le président au Parlement. L'UDF a voté les deux lois répressives Perben, mais s'est abstenu sur la loi sur la prévention de la délinquance, en décembre 2006.


Sécurité
Pour le retour de la police de proximité
Royal et Bayrou ont tous les deux condamné le choix de Nicolas Sarkozy de supprimer la police de proximité pour ne garder qu'une police de répression. Le candidat UDF prône une politique d'équilibre reposant à la fois sur prévention et répression, et propose la création d'un poste de sous-préfet dans les quartiers difficiles. C'est au nom d'un Etat situé au coeur des zones défavorisées que Ségolène Royal défend la création d'une «police de quartier» qui permettrait de rétablir le lien de confiance avec les habitants. Une grosse différence toutefois entre Royal et Bayrou : en 2002 et 2003, l'UDF a approuvé les lois sur la sécurité intérieure défendues par Nicolas Sarkozy.


Santé
Des réponses plus précises à gauche
Un point commun d'abord. Si l'un (Bayrou) affirme que «notre système de santé est l'un des plus complets, nos réseaux de solidarité parmi les plus efficaces», l'autre (Royal) ajoute : «La Sécurité sociale est un des acquis du modèle social français, elle fait partie de notre pacte républicain.» Tous les deux ne vont guère plus loin dans l'élaboration de nouveaux modes de financement, s'accordant pour refuser les franchises au frais des patients que propose le candidat Sarkozy. Pour le reste, Bayrou reste flou et Royal se montre plus précise. Elle évoque la création « d'une cinquième branche de la Sécurité sociale pour prendre en charge les questions du grand âge et de la dépendance» ; promet «la gratuité totale des soins pour les moins de 16 ans» et «une carte santé pour les jeunes de 16 à 25 ans» ouvrant droit «à une consultation gratuite par semestre».


Europe
Bayrou contre la Turquie
François Bayrou et Ségolène Royal étaient tous les deux des partisans du oui au référendum. Difficile aujourd'hui de trouver plus que des nuances entre eux sur l'Europe. Ils s'opposent à l'idée de Sarkozy de faire adopter un nouveau traité simplifié par le Parlement. Ils souhaitent que les électeurs se prononcent à nouveau par référendum. La question de l'adhésion de la Turquie les distingue. Bayrou ­ qui est contre ­ plaide pour un «partenariat privilégié», comme Nicolas Sarkozy. Royal ­ qui y est plutôt favorable ­ a souhaité s'en remettre au «verdict du peuple», tout en jugeant que la Turquie «ne remplit pas aujourd'hui les conditions». Elle souhaite une «pause» dans l'élargissement.


Logement
Le PS plus étatiste
La candidate socialiste propose une batterie de propositions plus complète que son adversaire UDF, et centrées sur le rôle de l'Etat. Ségolène Royal annonce la construction de 120 000 logements par an, et surtout la substitution de l'Etat aux communes défaillantes, qui sont légion à ne pas respecter la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU). Celle-ci les oblige, en théorie, à construire 20 % de logements HLM pour favoriser la mixité sociale. François Bayrou propose aussi que dans chaque grand programme immobilier 20 % des surfaces soient consacrés aux logements sociaux. L'UDF s'était désolidarisée de l'UMP qui avait tenté, début 2006, de restreindre la loi SRU.

 

Par Jacqueline COIGNARD, Catherine COROLLER, Jean-Dominique MERCHET, Véronique SOULE, Fabrice TASSEL - LIBERATION : vendredi 20 avril 2007

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