Constitution européenne ; renoncer à la démocratie et aux acquis sociaux ?

Publié le par webmaster

C’est ce que voudrait la droite libéralo-conservatrice européenne. Mais la société civile n’est pas prête à renoncer à la démocratie aussi facilement.

Malgré une pression médiatique incessante en faveur du oui, deux pays, et non des moindres, avaient éloigné le spectre d’une validation des politiques libérales de l’Europe en votant non au traité constitutionnel. Le 29 mai 2005, le peuple français, puis une semaine après, le peuple des Pays-Bas, retournaient à la commission sa copie pour être revue et corrigée. Entendu par-là que le contenu de ce texte ne convenait pas au plus grand nombre. Il s’agissait à l’époque d’une victoire importante de la démocratie, quand on connaît le manque de transparence structurel et le peu d’égards pour l’avis des populations dans la construction européenne, et ce, depuis ses débuts. Des urnes espagnoles est sorti un oui, mais le taux d’abstention dépassait les cinquante pour cent (57,68%) tandis qu’en Belgique, le président de la Région wallonne M. Di Rupo estimait que ses concitoyens n’étaient pas aptes à décider à travers un référendum. Ce fut l’occasion d’une vague de chaleureux merci à ceux qui, ayant eu eu voix au chapitre, ont voté contre cette omniprésence du marché dans les relations humaines de nos contrées.

Les enjeux de cette constitution sont prépondérants dans le processus de la construction européenne.

Cependant, malgré le NON de 2005, aujourd’hui la droite libérale et conservatrice veut nous imposer le traité tel qu’il nous a été proposé, avec quelques simplifications. Mais sans aucunement remettre en cause l’orientation idéologique du texte et sans « réinviter » le citoyen au débat. Une construction européenne sans Européennes ni Européens en quelque sorte.

Le grand projet des pères fondateurs de cette intégration a été élaboré au sortir de la guerre 40-45 afin d’éviter que les pays d’Europe occidentale ne replongent dans l’horreur du conflit. L’idée même d’une possible union de peuples aussi différents que les Danois et les Espagnols passe cependant obligatoirement par le socle commun des valeurs humaines et sociales. Pourtant, aujourd’hui, la construction européenne est organisée autour d’un principe unique : le marché, le libre-échange et la généralisation de la concurrence. En d’autres termes la GUERRE économique. Substituer une guerre infinie dans le temps à un conflit armé, lui-même résultant de troubles économique est à l’opposé des aspirations citoyennes aujourd’hui autant qu’hier. Car en plus du cadre humain, sont enfin apparus à l’horizon de chacune et chacun les problèmes environnementaux qui nous menacent :

- Pollutions chimiques en relation avec la baisse de la fertilité, l’augmentation des maladies infantiles et des cancers, des malformations fœtales, bref, la dégradation de notre qualité de vie et un danger exponentiel pour les générations à venir.

- La perte de la biodiversité constitue un drame majeur tant pour la beauté du vivant que pour la disparition irréparable de solutions médicales naturelles.

- Le réchauffement menace notre souveraineté alimentaire au même titre que la dissémination par quelques sociétés transnationales de plantes génétiquement modifiées sans aucun autre intérêt que celui de générer des profits colossaux pour les actionnaires.

Et de ça, les décisions européennes d’aujourd’hui n’en ont cure ! Seule la maximalisation des profits en un temps réduit habite la réflexion des entrepreneurs et de leurs proches du monde politique.

Le dossier REACH (politique d’enregistrement et d’analyse des substances chimiques commercialisées dans l’Union) est un échec complet.

 

Après un long travail de lobbying, les industriels de la chimie, aussi bien américains qu’européens ont réussi à vider cette directive de son contenu. C’est pourquoi aujourd’hui, 99% (en volume) des substances chimiques utilisées en Europe ne sont toujours pas sérieusement analysés, tandis qu’au principe de précaution la Commission à préféré la compétitivité des entreprises. Et parmi ces produits, beaucoup sont considérés comme dangereux. C’est à dire que 10% des substances testées faisaient l’objet d’une procédure spéciale d’autorisation à la vente et devaient être remplacés. C’était sans compter sur l’avidité infinie du marché et des industriels, qui refusèrent de supporter les coups du changement, en mobilisant de nombreuses «  études d’impact » parfois fort malhonnêtes pour pousser au statu quo. Malgré l’empoisonnement quotidien dont ils sont directement responsables. Le cas de cette directive est intéressante à analyser pour comprendre qui dirige l’Europe et quelles sont les forces mobilisables pour un changement radical, pour le virage salutaire de la construction sociale européenne. [1]

De nombreux autres cas

 

Depuis lors, d’autres dossiers sont apparus dans les médias et préoccupent de plus en plus les citoyens de l’Union européenne. Et les décisions de la commissions ont toutes été dans le même sens. Le cas des agrocarburants est ici révélateur d’une malhonnêteté intellectuelle sans égale dans une démocratie. Là où les ministres européens refusent de prendre des décisions contraignantes pour la production d’énergie à base de ressources renouvelables, la commission contraint les pays membres à l’utilisation de 10% d’agrocarburants. Alors que la polémique fait rage autour de ces substituts au pétrole qui vont nécessiter un déluge de ressources naturelles pour être produits. Ceci afin, reconnaissons-le, de poursuivre l’œuvre de destruction systématique de notre unique habitat à laquelle la plus riche part de l’humanité nous contraint chaque jour. [2]

Qui dirige en Europe ?

 

Les différents Etats qui la composent, surtout les Etats importants d’ailleurs (Allemagne, France, UK, Espagne et Italie). Voilà pourquoi quand un ministre tente de se disculper sur une mesure impopulaire prise par l’Union dans le domaine qui l’occupe, il n’est pas difficile de prouver qu’il aurait pu changer l’orientation de cette mesure. L’Europe est devenu un rideau de brouillard bien utile pour que les auteurs de politiques impopulaires puissent se cacher derrière. Le manque de prérogatives du Parlement européen est d’ailleurs significatif de l’esprit avec lequel notre Union est construite aujourd’hui. Tandis que le nombre dérisoire de 2.700 fonctionnaires pour toute la Commission européenne est un aveu clairement énoncé de vouloir laisser la porte grande-ouverte aux lobbies. C’est pourquoi dans le cadre de la directive REACH, l’AmCham (chambre de commerce américaine en Europe), les lobbies de l’industrie chimique tant européenne qu’américaine et le département d’Etat US en la personne de Colin Powell ont pesé de tout leur poids pour écraser la volonté de la Commissaire européenne à l’environnement Margaret Wallström, soutenue par les groupes de défense de la nature. Le manque de démocratie flagrant dans ce dossier remet en cause le modèle de développement du projet qui nous occupe.

La société civile s’ébroue avant acte !

 

Il est possible de clairement ressentir, dans de nombreux endroits, que la saturation est atteinte et que le mensonge ne passe plus. Même si certaines majorités récentes n’indiquent pas un souci premier pour les droits de l’humain et de l’environnement, on peut estimer qu’il s’agit là aussi d’un ensemble de minorités qui seront vites déçues par les comportements antisociaux des leaders qu’elles se sont choisis. Mais tant aux Etats-Unis qu’en Asie, sans parler de l’Amérique latine (qui se relève de plus de soixant ans de dictatures diverses sponsorisées par Wall Street), la contestation des dogmes meurtriers du marché dérégulé se généralise.

La prochaine étape sera la manifestation générale contre le sommet du G8 qui se tiendra du 2 au 9 juin en Allemagne à Rostock [3]. Il est amusant de constater que pour cet événement mondial, la chancellerie a décidé de sortir de l’espace Schengen qui assure la libre circulation des citoyens européens. La contestation se renforce d’année en année ? La répression, elle, est toujours aussi brutale. Tout le monde devrait se souvenir de Carlo Giuliani, jeune étudiant de vingt ans, assassiné d’une balle en pleine tête par un policier, alors qu’il participait à la contestation du G8 de Gênes en 2001. Deux mois avant, lors du sommet européen de Goteborg, la police ouvrit le feu sur la foule, blessant trois manifestants dont un gravement. Tandis que les médias ont le devoir de faire passer les manifestants pour de dangereux terroristes et que les auteurs des coups de feux sont acquittés par des juges forts complaisants.

Que nous réservent les milices du capitale cette année, sous couvert de démocratie ?

Qui y survivra saura, et pourra envisager de continuer à lutter, avec la société civile contre la dictature sécuritaire au service des multinationales. Celles-la mêmes qui détruisent notre unique planète.

[1] Lire entre autre l’excellent article de Daniel Tanuro (Bio-ingénieur) http://www.legrandsoir.info/article.php3 ?id_article=2490

[2] Une liste non exhaustive des dégâts engendrés par les carburants d’origine agricoles

http://www.kokopelli.asso.fr/actu/new_news.cgi ?id_news=90

Ainsi que sur le site en français

http://www.moratoire-agro-carburants.com/

[3] http://www.wsf.be/article.php3 ?id_article=274

 

Eric de Ruest, reporter audiovisuel in agoravox

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