Lagarde vend sa «valeur travail» sous les huées de la gauche

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La ministre présentait hier à l’Assemblée le projet sur le travail et le pouvoir d’achat.

Cette fois, elle n’avait pas mis de bleu. Christine Lagarde, la ministre de l’Economie, est montée hier à la tribune de l’Assemblée nationale pour défendre le texte Tepa (travail emploi pouvoir d’achat) sans son célèbre pashmina azur. Au tour du cou, un flamboyant foulard orange, seule surprise de son intervention.

Pain.  Pour vendre le texte emblématique voulu par Nicolas Sarkozy, censé «réhabiliter la valeur travail», la ministre, avocate d’affaire internationalement reconnue, a parlé pendant trois-quarts d’heure de la France «qui veut rompre avec la tradition de mépris» qui touche au travail, qui «ne veut pas du pain et des jeux, ou plus de loisirs». Des propos qui lui ont valu d’être sans cesse interrompue par la gauche, au point d’obliger le président de l’Assemblée, Bernard Accoyer, à couper l’oratrice pour tancer les socialistes, verts et communistes, hurlant depuis leurs bancs : «Pitié pour les riches.»
Christine Lagarde n’aura pas réussi là à casser son image de femme brillante, aimant la réussite et le modèle anglo-saxon. Celle qui a fait toute sa carrière à Chicago, chez Baker & Mc Kenzie a encore du mal à se fondre dans le moule de la ministre. A gauche, on la juge parfaitement en ligne avec la politique de Nicolas Sarkozy : «elle incarne la droite décomplexée», dit Jean-Marc Ayrault, député de Nantes et président du groupe PS. Christian Paul, député socialiste de la Nièvre, se demande lui «de quelle France elle parle ? Où est l’intérêt général, la solidarité ?» Tous relèvent un discours appliqué, truffé de citations. Ou de pseudos bons mots. «La lutte des classes, dit-elle en faisant hurler une nouvelle fois la gauche, est une chose essentielle pour les livres d’histoire.»
Alors qu’elle incarne elle-même la réussite individuelle, par sa trajectoire professionnelle, Christine Lagarde a semblé parfois faire de son cas personnel la ligne de conduite de la politique du gouvernement en matière économique et fiscale. Au secours de cette exaltation de l’individu, elle a convoqué Tocqueville, mais aussi les «chanteurs de R’n’B ou de rap qu’écoutent nos jeunes.» et dont «les paroles sont symptomatiques du goût des jeunes pour la réussite et la victoire individuelle.» Des «réflexions d’Américaine», ricane un vieux routier de l’UMP.

Illico.  En juin 2005, quand Thierry Breton l’a appelée pour qu’elle devienne sa ministre déléguée au Commerce extérieur, elle avait bien failli repartir illico aux Etats-Unis à cause d’une de ces réflexions. Interrogée sur une radio, elle avait expliqué que le droit social français était «compliqué, lourd» et pouvait être «un frein à l’embauche». Rappelée à l’ordre par Villepin, elle avait promis de tenir sa langue.
Hier à l’Assemblée, elle n’a pas fait de bavure. Reste à savoir si, en dépit de son entrée dans le grand bain sous les huées, elle fera un bon ministre. «Le précédent était tellement mauvais qu’elle n’aura pas grand-chose à faire», persifle un député UMP. Un autre, membre de la commission des finances : «Quelle latitude a-t-elle ? Aucune, le paquet fiscal arrive direct de l’Elysée, elle a juste à le signer.» Commentaires qui démontrent que la ministre a fort à faire avec sa propre majorité. Vendredi, c’est Charles de Courson (Nouveau Centre), qui a amendé le texte, en revenant sur le bouclier fiscal et créé un mini-incident avec le président du groupe UMP, Jean-François Copé. Hier, c’est Gilles Carrez, qui a augmenté l’abattement sur la résidence principale pour le calcul de l’ISF (lire ci-dessous).


«Allez vous poster Gare du Nord. Vous verrez tous ces banquiers exilés à Londres ou en Belgique. Ils n’ont qu’une envie, rentrer en France. Voilà à quoi sert notre bouclier fiscal.», a dit la ministre. A la fin de son discours, les députés de droite n’ont pas tous pris la peine de se lever pour l’applaudir. Un peu «trop décomplexée», Christine Lagarde ?


Muriel Gremillet - Liberation: mercredi 11 juillet 2007

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