Avec Boutin, le "droit au logement opposable" fait pschitt

Publié le par webmaster

Les personnes à la rue sont bien des mal-logés: c’est la découverte qu'a fait Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville, prise dans la polémique entourant la loi sur droit au logement opposable (Dalo). Une réponse après le couac de la présentation, la semaine dernière, du décret d'application du texte devant son Comité de suivi.
La loi avait été votée à l’unanimité et en fanfare par les députés, le 5 mars, dans la foulée de la mobilisation très médiatique des Enfants de Don Quichotte sur le canal Saint-Martin puis partout en France. Elle instaurait un "droit au logement opposable" que les acteurs de terrain réclamaient de longue date. Ces derniers avaient accueilli la nouvelle loi avec un certain scepticisme, s'attendant à des difficultés lors de son application.
Le texte de loi adopté par les parlementaires prévoit que "l’ensemble des mal-logés pourront faire valoir leurs droits à compter du 1er janvier 2012". Mais, pour figurer parmi les ménages "ultra prioritaires" dès décembre 2008, il faut faire partie de six catégories, deux d'entre elles étant "les personnes dépourvues de logement" et les personnes hébergées dans un habitat insalubre.
"Au total, cette loi pouvait concerner entre 600 000 et un million de personnes, sur les 3 millions de mal-logés recensés officiellement", estime Christophe Robert, qui représente la Fondation Abbé Pierre au Comité de suivi de la loi Dalo.
Deux des six catégories de mal-logés "oubliées" par le texte
Mais le décret d’application de la loi, tel qu’il a été présenté au Comité de suivi le 5 septembre, comportait un oubli majeur: seulement quatre des six catégories concernées initialement par la loi y figuraient finalement. Or, ce sont justement les "personnes dépourvues de logement" et les personnes vivant dans un logement insalubre qui ont perdu leur statut prioritaire... A eux seuls, les SDF représentent au bas mot, dans les statistiques officielles, 86 000 personnes.
Le monde associatif accuse donc le gouvernement d’avoir largement vidé la loi de sa substance. Discrètement et "politiquement", dénonce Olivier Nodé-Langlois, chez ATD-Quart Monde. Il ajoute qu'il est "inacceptable" que SDF et personnes hébergées chez des proches ne soient pas mentionnés explicitement.
Mercredi, Christine Boutin répliquait que ces catégories avaient été omises dans la mesure où "le texte de la loi se [suffisait] à lui-même". Et que le texte en question n'était qu'une version provisoire.
Pourtant, cet oubli fait désordre: Christine Boutin, avant d’obtenir le portefeuille du Logement, était justement rapporteur de la loi Dalo. Aujourd’hui, ce sont les mêmes conseillers qui travaillent aux côtés de la ministre du Logement et qui avaient préparé le texte, auprès de Jean-Louis Borloo. "Nous sommes en train de retravailler sur la loi qui n’était pas très bien écrite", confirmait un membre du cabinet, mercredi soir, en référence aux deux catégories manquantes.
Les critiques ont obtenu gain de cause, puisque la ministre, dont les services n’ont pas souhaité répondre officiellement à Rue89, a reconnu dans un communiqué mercredi: "J’ai décidé de mentionner dans le décret également ces deux catégories, bien qu’à l’évidence chacun sache qu’en aucun cas un décret ne peut contredire une loi."
Un droit accordé "en fonction des circonstances locales"...
Mais les associations soulèvent aussi un autre lièvre: toujours d’après la mouture du décret présenté la semaine dernière, c’est maintenant en fonction des places disponibles et "en fonction des circonstances locales" que sera défini le niveau de priorité des demandes de logement.
Localement, ce sont les commissions de médiation –créées après le décret- qui assureront cette tâche. Cette nuance n’est pas anodine: en instaurant une obligation de résultat, la loi Dalo ambitionnait justement d’aller au-delà des textes sur le logement jusque-là. Christophe Robert, de la fondation Abbé-Pierre, explique sa déception:

"En restreignant l’application du principe selon l’offre disponible, on perd l’occasion d’avoir un levier pour construire des logements là où il n’y en a pas. On entre dans une logique pragmatique, mais il est regrettable de réduire l’effet de la loi."

Pour Dominique Braye, sénateur (UMP) des Yvelines, qui siège aussi au Comité de suivi, "on fait un faux procès aux auteurs du texte", car il faut être "réaliste":

"A l'époque de la loi, j'avais dit que j'étais très sceptique sur son application. C'est bien beau de vouloir faire un droit au logement opposable, mais la priorité, c'est de faire un droit au logement effectif. La loi est un aiguillon, mais on sait bien qu'il y aura toujours pénurie."

La mouture retoquée sera présentée au Conseil national de l'habitat, le 24 septembre, à Lyon.
Lors d'une très récente émission à la télévision, Mme Boutin a osé répondre  au journaliste qui lui signalait  cette absence des deux  catégories dans le décret d'application : c'est un "oubli" ou une erreur" !!!!!
Selon les interlocuteurs on "module" sa réponse. Bravo
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