Quelle réforme pour les lycées ? par Philippe Meirieu

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Xavier Darcos devrait proposer une réforme du lycée «à la finlandaise» avec laquelle les élèves pourraient choisir leurs cours «à la carte». La réforme entrerait en vigueur en seconde à la rentrée 2009. Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’éducation à l’université Lumière-Lyon 2, co-auteur avec Xavier Darcos de Deux voix pour une école (Desclée de Brouwer, 2003) et responsable, en 1998, de la consultation «Quels savoirs enseigner dans les lycées?», en discute les options pour Mediapart.

 

La politique éducative du ministre de l’éducation nationale peut sembler aujourd’hui assez étonnante. Ainsi, après avoir très largement critiqué le "pédagogisme" qui aurait pris le pouvoir dans l’école primaire, le voilà qu’il propose une réforme ambitieuse du lycée qui paraît très largement inspirée des réflexions menées ces dernières années par les "pédagogues". Le lycée qu’on nous annonce serait modularisé, fondé sur une conception plus ouverte du travail des élèves, avec une marge de choix beaucoup plus grande et des heures de suivi ou soutien personnalisé.

La contradiction se résout, de manière très traditionnelle, en faisant appel à l’idéologie largement dominante aujourd’hui : les jeunes enfants doivent acquérir les mécanismes et les savoirs de base qui, permettent, plus tard, de laisser aux grands adolescents qu’ils seront devenus, une grande marge d’initiative. En d’autres termes, l’obéissance et la contrainte précèdent nécessairement la liberté; le dressage est un préalable à l’émancipation; la soumission à des exercices répétitifs et à une pédagogie de l’entraînement systématique rend possible, mais seulement dans un second temps, l’accès à des "pédagogies de projet".

Pour banale qu’elle soit, cette idéologie mérite d’être interrogée: ne convient-il pas, à tous les niveaux de la scolarité, d’articuler la mobilisation des élèves et la formalisation des savoirs? Doit-on renoncer à donner du sens aux apprentissages à l’école primaire pour, en revanche, laisser penser qu’au lycée seule la motivation doit opérer? Peut-on laisser dominer, en primaire, un processus d’intégration et développer, en fin de secondaire, un processus de différenciation? Outre que se pose la délicate question de l’accompagnement de la transition, le risque est réel d’un clivage, à terme, entre une "école du conformisme", en primaire, et une "école de l’individualisme", en secondaire, "une école normée", d’abord, et une "école consumériste" ensuite… Quand il faudrait plutôt, tout au long de la scolarité, une école qui permette, dans la même démarche, d’intégrer les normes et de s’en émanciper.

Je crains, pour la France, la juxtaposition entre une école primaire "à l’ancienne" et une école secondaire "à l’américaine"… sans véritable travail sur les conditions de la construction d’une citoyenneté solidaire. Le silence actuel sur le collège renforce d’ailleurs mes craintes dans ce domaine : nous risquons de continuer d’y faire cohabiter une logique d’"école primaire supérieure" pour les uns et une logique de "petit lycée" pour les autres. Sans un vrai travail pédagogique sur ce chaînon aujourd’hui à l’abandon et qui concentre toutes les contradictions, les collèges resteront ces espaces difficilement gérables où l’on tente d’instruire des groupes d’élèves indifférenciées, plus que jamais et irréductiblement "de passage". [...]

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